La réforme de la justice après « l’affaire d’Outreau »

Dans le cadre de mon activité professionnelle, j’assiste à des conférences pouvant porter sur des thèmes d’actualité. Celle que je rapporte ici traite de la réforme de la justice après ce qu’on a appelé l’affaire d’Outreau.


Comme je l’ai indiqué dans mes comptes-rendus précédents, les propos que je rapporte ici sont ceux que j’ai entendus, pour lesquels je ne prends aucune position 😉


En introduction

Le tiers des informations du journal télévisé concerne les affaires, essentiellement pénales, des affaires économiques et financières. La question souvent posée est : l’institution judiciaire accepte-t-elle d’être réformée ?

Ce qu’on sait moins, c’est que de nombreuses réformes ont été accomplies ; il se fait en général au moins deux réformes par an qui affectent plusieurs aspects, dont les droits de la défense.

Le constat

Les dysfonctionnements de « l’affaire Outreau » ont marqué l’opinion car ils ont jeté une lumière crue sur la responsabilité d’un juge.

Mais de nombreuses réformes ont vu le jour, permettant un renforcement de la coopération internationale pour répondre à la délinquance, avec la mise en place par exemple du mandat européen, qui constitue une procédure plus courte que l’extradition. La France remet ses nationaux aux 26 pays de l’Union européenne. 1500 personnes sont concernées, 750 ont été remises à la France, 750 ont été remises aux partenaires ; ont été concernés 250 Français.

Dans ce contexte, la réforme qui a suivi l’affaire d’Outreau est « une petite réforme ».

Pourquoi cette affaire a-t-elle eu ces conséquences ?

D’une part parce que les détentions provisoires ont été très longues, que l’affaire a été très médiatisée.
Après les événements survenus en Belgique, les autorités judiciaires n’ont pas pris suffisamment de recul.

Certaines pratiques judiciaires ont été dévoyées avec par exemple le refus de remise en liberté, le manque de temps n’ayant pas permis d’analyser le dossier en profondeur. L’insuffisance de moyens s’est traduite par exemple par l’absence d’enregistrement des mineurs, alors qu’il s’agit d’une quasi obligation.

Dans le même temps, à Angers, était jugée une affaire similaire, sans que celle-ci soit reprise dans les média. Deux juges d’instruction suivaient le dossier, et les enregistrements des dépositions des mineurs ont été effectués.

A Outreau, les pièces du dossier ont été communiquées aux avocats avec énormément de retard, des moyens médiatiques considérables ont été utilisés, et on a pu assister à un basculement médiatique au fur et à mesure du procès.

La loi du 5 mars 2007

La loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale est une loi de compromis qui a repris partiellement les 80 propositions de la commission parlementaire après l’affaire d’Outreau. Certaines des dispositions seront applicables dès le mois de juillet 2007, d’autres plus tard. Plus l’application est différée dans le temps, plus celle-ci risque de s’éloigner de l’esprit du législateur.

L’objet des premières dispositions applicables dès le mois de juillet est de renforcer le respect des libertés individuelles.

La détention provisoire d’une personne présumée innocent

Le nombre de détenus provisoires ne cesse de baisser ; il atteint aujourd’hui 30 % dans les prisons.

La prévention des détentions provisoires abusives

Le rapport parlementaire proposait de nouveaux butoirs à la limitation de la détention, mais plus l’affaire est complexe, plus la recherche de la vérité est longue. Il est cependant nécessaire de mieux encadrer la détention provisoire.

Certains critères de mise en détention provisoire sont maintenus : éviter la fuite des personnes, éviter de recommencer les infractions, préserver les preuves. Le critère de trouble à l’ordre public est supprimé pour les délits et maintenu pour les crimes tels que la profanation de tombes, un accident grave de la circulation. La détention provisoire ne peut pas résulter du retentissement médiatique.

La présence d’un avocat est rendue obligatoire lors du débat contradictoire pour décider de la détention préventive.

Concernant la publicité du débat contradictoire, le secret de l’instruction est aménagé : auparavant, la demande de publicité émanait de la personne mise en cause et se traduisait par un communiqué de presse. La loi de mars 2007 rend le débat contradictoire public, permettant d’éclairer sur les causes de la détention provisoire. Il est possible de s’opposer à la publicité des débats, par exemple en cas de risque d’entrave à la justice, si la victime le demande (comme c’est le cas pour le procès), ou si la personne poursuivie s’y oppose (risque d’atteinte à la présomption d’innocence).

Une audience de contrôle devant la chambre d’instruction est créée.

Renforcer les droits des parties et le caractère contradictoire de la procédure

  • contestation de la présomption d’innocence : possibilité de devenir témoin assisté, au fur et à mesure de l’évolution du dossier ;
  • demande de confrontation ;
  • renforcement du caractère contradictoire de l’expertise : les avocats pourront désigner un contre expert ;
  • renforcement du caractère contradictoire des informations avant l’audience : l’avocat pourra faire valoir des éléments avant l’audience ;
  • célérité des procédures : suppressions des procédures inutiles (un particulier peut saisir le juge pénal ; si des poursuites étaient engagées, pour entraver certains procès, le pénal bloquait les autres jugements au risque d’encombrer inutilement les juges d’instruction ; le non lieu sera plus facile en cas de plainte manifestement « inutile ») ;
  • pôles d’instructions dans certains TGI (tribunal de grande instance) : la cosaisine de plusieurs juges sera plus facile ; la création de pôles d’instruction est prévue en mars 2008 : les trois magistrats devront saisir le JLD (juge des libertés et de la détention) pour une mise en détention provisoire, avec intervention du procureur, mais certains TGI n’auront qu’un seul juge !
  • enregistrement audiovisuel (mis en place au 1er juin 2008) pendant les gardes à vue et l’instruction pour les crimes ; existe déjà pour les mineurs ; cette mesure peut être interprétée comme une défiance à l’égard de la justice mais peut aussi servir de garantie et préviendrait d’éventuelles contestations.

21 mai 2007


Ecrit par Lise - Site

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